Un jour, j’observais un écureuil.
J’ai des passe-temps bizarres de même.
Un jour, donc, j’observais un écureuil. Helé était sur le patio et elle avait été entraînée à ne pas descendre sauf avec autorisation. Sous son nez, un écureuil faisait des allers-retours entre la mangeoire à oiseaux et sa cachette. Ma chienne était tendue comme un arc, mais elle restait sur la véranda sans descendre (quelle bonne fille!). L’écureuil la surveillait du coin de l’oeil tout en continuant ses voyages entre la manne de nourriture et son trou.
Sur le coup, je me disais que c’était vraiment un écureuil stupide. Helé et moi ne restions jamais bien longtemps. Ne serait-ce pas mieux de rester caché, attendre qu’on parte et ensuite pouvoir aller manger ses noix en toute sécurité? Pourquoi faisait-il des allers-retours sous le nez d’un prédateur aux aguets.
Je me disais que, franchement, cette petite bête n’allait pas gagner une compétition d’instinct de survie…
Puis, j’ai compris…
L’écureuil menait sa vie d’écureuil tout simplement. La vie, en elle-même, comporte son lot de risques. Pour un écureuil, ça veut dire aller chercher ses noix et graines sous le nez des prédateurs. S’expose-t-il à un risque en agissant ainsi? Bien sûr! Tout est risqué quand on est un écureuil roux. Mais rester caché continuellement n’est pas non plus une option.
1. Qu’est-ce que le stress zéro?
Dans le premier article sur cette série sur les besoins des chiens, nous avons parlé du stress et du besoin de sécurité. Aucun individu n’est heureux s’il se sent constamment menacé. C’est un fait. On est tous d’accord avec ça.
Minimiser les stresseurs chez votre chien est une excellente chose et le signe d’une bonne gestion de l’environnement. On veut tous que nos compagnons à poil se sentent bien et prendre son état émotionnel en compte est louable (et nécessaire).
Jusqu’ici, on est tous d’accord.
Le problème survient lorsqu’on part en quête du « stress zéro ». Cet état de béatitude permanent où le chien ne subit aucun stress, aucun stresseur, est parfaitement entraîné à faire faire à toutes les situations et tous les incidents. Le chien vaque alors dans sa vie avec une attitude de zen et de calme permanente. Il n’est jamais vigilant, car il se sent en total confiance avec son environnement.
Non mais, c’est-tu pas beau dit comme ça?
Le problème c’est que ce nirvana de la zénitude est impossible.
2. Le stress zéro existe-t-il?
Quand j’observais l’écureuil roux, je me disais que s’il était un chien (oui je sais que l’écureuil est une proie et le chien un prédateur, mais suivez ma réflexion quand même), on lui collerait tout de suite une étiquette d’hypervigilance et anxiété. Il faisait des mouvements nerveux, regardait partout, il était excessivement pressé de retourner se cacher puis, tout aussi pressé, il revenait et allait chercher une autre graine de tournesol. Bref, il avait l’air de tout sauf d’être zen et détendu, le but ultime du propriétaire de chien typique, moi y compris!
Pendant que j’étais assise à réfléchir à la situation, je me suis dit que, toujours si le rongeur avait été un toutou, on aurait déployé toute une série de protocoles et exercices afin de le « guérir » de son anxiété.
Or, que se serait-il passé? On se serait échiné à vouloir le conditionner, désensibilisé, etc. à être zen. Pourtant, cet écureuil n’avait aucun problème de comportements! Il vaquait à ses activités d’écureuils en étant conscient des risques qu’il prenait. Il avait un comportement normal adéquat pour son environnement et son statut de proie. Il était fonctionnel. Pourtant, son comportement serait considéré problématique chez les chiens. On se serait acharné à vouloir le rendre zen. En tout, s’il avait été mon chien, c’est ce que j’aurais voulu faire. Au point de m’en rendre malade…
Je suis partie peu après et, sur le chemin du retour, j’ai continué mes réflexions sur la réhabilitation, le stress zéro et le besoin d’avoir un chien qui n’est jamais stressé.
Le monde du comportement canin venant beaucoup du monde de la réhabilitation des chiens avec de lourds problèmes ou un lourd passé, cet état de zen permanent devient alors le but ultime de beaucoup de propriétaires ou d’intervenants.
Je comprends parfaitement pourquoi. J’ai eu une chienne anxieuse. Je ne désirais rien de moi que de la voir, enfin, libérer de ses démons.
Aidons vos chiens! Apprenons-leur que le monde est sécuritaire!
Mais n’oubliez pas que le stress zéro est inatteignable.
Si vous vous fixez comme but que votre chien soit toujours zen et jamais aux aguets, vous vous embarquez dans une quête impossible.
L’anxiété chez le chien existe. C’est un problème vraiment à chier qui détruit les chiens et détruit les gens autour. Mais je pense qu’on devrait viser que nos compagnons soient fonctionnels plutôt qu’ils soient zen en permanence, jamais aux aguets et jamais inquiets.
Vous allez mourir de stress vous-mêmes à vouloir que votre chien ne soit jamais stressé.
3. Pourquoi le stress zéro est-il impossible?
Certaines races sont programmées pour être alertes et/ou méfiantes, comme les chiens de berger et les chiens gardiens. Vous ne pourrez jamais déprogrammer des centaines d’années de sélection génétique.
Certains chiens ont juste un tempérament plus nerveux. Je suis une personne qui fait le saut facilement aussi. Personne ne m’a jamais couru après pour me donner du chocolat ou des chips à chaque fois qu’un bruit soudain survient dans mon environnement et, pourtant, je vis très bien avec ceci.
Le chien, comme l’humain, est un prédateur (svp pas de discussions sur le végétalisme ici!). Pour cette raison, notre cerveau est programmé pour suivre les mouvements soudains, débusquer des proies. Plus votre chien fera de la prédation et plus il sera se sentira attiré par les stimuli dans l’environnement et sera constamment aux aguets.
Dans la même veine, il est normal pour un être vivant d’être prudent et d’évaluer les risques potentiels dans son environnement. Y compris les êtres humains. Les menaces et les dangers font partie de nos vies, aussi sereines soit-elles. Sonder les alentours pour des problèmes potentiels est un comportement nécessaire à notre survie. Vivre dans un monde sans danger, c’est vivre dans un dessin animé pour enfant du samedi matin. Vivre sans sonder les risques pour notre survie, c’est être mort ou être une roche. Puisque ni nous ni nos chiens ne vivons dans un dessin animé ou ne sommes décédés (je l’espère!) il est donc normal d’être un minimum suspicieux envers notre environnement.
4. La quête du stress zéro et la culpabilité de ne pouvoir l’atteindre
J’ai l’air dure, mais mon objectif n’est pas ici de vous taper sur la tête. Au contraire. Mon but est que vous, vous cessiez de vous taper sur la tête car vous n’êtes pas capable d’atteindre le stress zéro chez votre chien.
Votre chien est un être vivant.
Il n’est ni mort, ni une roche.
Si vous êtes en train de vous rendre malade à vouloir atteindre le stress zéro, cessez. C’est une quête impossible.
Vous n’êtes pas coupable de ne pas avoir rendu votre chien au stress zéro. Ce n’est pas car vous ne l’avez pas assez socialisé ou pas assez entraîné. Ou ce n’est pas car vous l’avez trop protégé.
Vivre une vie sans stress, ce serait vivre dans un environnement 100% prévisible, où il ne se passe jamais rien de nouveau, jamais rien d’excitant, jamais rien de surprenant. Je ne sais pas pouvoir vous, mais je ne voudrais pas d’une vie pareille.
On oublie souvent que si le stress est généralement négative, son pendant, l’eustress, est ce qui fait que la vie vaut la peine d’être vécue. C’est aussi ce qui nous permet de croître, tant physiquement, mentalement, intellectuellement et émotionnellement.
Par exemple, si votre chien subit un léger stress à aller en compétition, mais qu’il est tout de même capable de bien se gérer et de bien performer, et qu’au final, vous avez tous les deux du plaisir, je ne vois pas le problème à l’amener.
5. La frontière entre le stress zéro et le besoin de sécurité des chiens
Quand alors protéger le chien et quand assumer que ce type de stress fait juste partie de la vie?
Il s’agit d’une question importante à laquelle la réponse n’est pas simple.
Si la réponse allait de choix, nous n’aurions pas des gens qui sont en train de se tuer à petit feu en quête du stress zéro et, de l’autre côté, des gens qui traient le chien comme une peluche, en se souciant peu ou pas de son état émotionnel.
Entre les deux, dans la zone grise, se trouve la réponse.
Celle que j’essaie d’atteindre. Même si je n’y arrive pas toujours! (je suis humaine après tout!)
Je considère qu’il est normal de vivre un peu de stress dans la vie. Si mon chien est capable de le gérer, je considère que c’est correct. La vie est faite de stresseurs. Je tente de les éviter, mais en même temps, je veux que mes chiens vivent une vie enrichie qui en vaut la peine.
Mon exemple du chien en concours plus haut est un bon exemple de situation stressante, mais à un niveau acceptable. Si mon chien n’était pas capable d’avoir aucune bonne décision dans son contexte, qu’il n’était franchement pas bien et que je finissais par être frustrée, je partirais.
Si mon chien est capable d’avoir du plaisir malgré un certain niveau de stress, je m’assure qu’il a le temps de se reposer mentalement par la suite.
Votre chien est-il capable de fonctionner?
Est-il en train de faire des apprentissages qui nuiront à son bien-être à long terme? (Comme apprendre que les enfants sont des menaces ou que les autres chiens sont des nuisances ou, au contraire, en train d’apprendre qu’il est en sécurité? Est-il même capable de se rendre compte qu’il est en sécurité ou non?)
Je ne suis pas non plus aux aguets du moindre petit signe de stress dans son langage non-verbal. Une oreille par en arrière, ça arrive. Par contre, si je vois plus de signes de stress que de signe de joie, je commence à réévaluer la situation.
Dans le doute, sortez de la pièce ou de la situation pour une petite pause. Votre chien a-t-il envie d’y retourner ou vous tire-t-il vers la voiture ou la maison?
En dehors des sorties et activités, il y a aussi les événements soudains comme les orages ou les feux d’artifice. Ce type de stresseurs peuvent être difficiles à gérer car soient ils sont imprévisibles ou ils sont très forts.
Je vais être honnête avec vous, je ne passe pas mon printemps à préparer mes chiens en vue du 24 juin. Je n’apprécie pas beaucoup le beding-bedang des feux d’artifice, mais je ne fais pas non plus un énorme protocole de désensibilisation. Je pourrais, je sais comment, mais je suis paresseuse. Comme aucun de mes chiens n’est phobique, ma stratégie consiste à nous enfermer dans ma chambre avec les fenêtres fermées et air climatisée à fond.
Si votre animal ne se sent pas bien, aidez-le à passer au travers du mieux du mieux que vous pouvez, si vraiment ça le plonge dans un état de détresse, prévenez les situations grâce à des protocoles, mais si le stress est léger, ne vous rendez pas malade non plus. Le vent, le tonnerre, etc. ne sont pas toujours des éléments agréables dans l’environnement, mais ça arrive.
Des fois, c’est juste un mauvais moment à passer.