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Allez vous prendre une bonne tasse de thé, car cet article sera plutôt long. 

La semaine passée, nous avons parlé de quand ignorer son chien et pourquoi. Comme je le disais en conclusion, en théorie, tout ceci a beaucoup de sens. On ignore et hop! le problème est réglé. 

Dans les faits, c’est vraiment difficile à appliquer! 

Promenez-vous un peu sur les réseaux sociaux et vous verrez que quasiment partout où quelqu’un suggère d’ignorer le chien, quelqu’un répond qu’il a essayé et que ça n’a pas fonctionné. 

Le processus qui vise à réduire un comportement précédemment renforcé en supprimant l’accès au renforcement s’appelle l’extinction. Afin de le faire il faut trois ingrédients essentiels, identifier quel est le renforcement que l’animal espère (on l’a déjà fait), identifier la chaîne qui mène à la récompense (spoiler alert! c’est le sujet du prochain article) et une bonne dose de patience! 

Pourquoi? À cause de deux éléments, le sommet d’extinction (aussi appelé le paroxysme d’extinction ou le pic d’extinction) et la résistance à l’extinction

J’espère que votre thé est suffisamment infusé parce qu’on y va! Attachez votre tuque. 

Le sommet d’extinction

Lorsqu’un animal, y compris un être humain, n’obtient pas accès au renforcement anticipé, il va essayer plus fort. Il s’agit d’une stratégie de survie inconsciente. Nous le faisons tous. 

Lorsque j’étais petite, avant la popularisation des cellulaires, nous allions cogner nos amis pour savoir s’ils pouvaient venir jouer avec nous dehors. On se présentait donc à leur porte et on frappait. Si nous n’obtenions pas de réponse, que faisions-nous? Nous cognions plus fort! La réflexion était simple, ils ne nous avaient peut-être pas entendus ou alors ils étaient peut-être à la salle de bain, dans la cour ou à l’extrémité de la maison. Réessayer était bien normal. Pas de réponse? On cognait une troisième fois encore plus fort! Si nous n’avions pas de réponse, nous partions bredouilles pour aller cogner chez un autre ami. 

Le fait de réessayer et de cogner encore plus fort est un exemple typique du sommet d’extinction. Un prédateur qui chasse et voit sa proie se sauver va courir encore plus vite la prochaine fois. C’est un autre exemple du sommet d’extinction. 

Dans les deux exemples que je viens de donner, on ne voit rien d’extraordinaire. Juste des enfants qui veulent jouer et un prédateur qui doit survivre. C’est normal. Parce que le sommet d’extinction est omniprésent et, comme je le disais, inconscient. 

C’est en entraînement que ça se complique. 

En entraînement, nous pouvons utiliser le sommet d’extinction pour obtenir des comportements plus rapides ou plus forts. Si vous donnez sa balle à un chien après lui avoir demandé de sauter et que soudainement vous ne la lui donnez plus et lui redemandez de se produire, que va-t-il faire? Si son historique de renforcement est assez haut, il est possible (même souhaité) qu’il saute encore plus haut! Et là, la balle apparaît.  

Devant l’absence de la réponse anticipée, l’animal sera frustré et fera encore plus d’efforts afin d’obtenir ce qu’il veut.

Et puisque la balle apparaît à ce moment, nous venons de renforcer à fond cette version plus prononcée du comportement désiré. 

Malheureusement, ça ne fonctionne pas juste avec les comportements qu’on veut. En fait, je vous dirais que 98% des utilisations du sommet d’extinction sont non souhaitées. 

Si un chien jappe et qu’on tente de l’ignorer, que va-t-il faire? Il va aboyer encore plus fort. Et si, parce qu’il est rendu difficile à endurer, on lui donne ce qu’il voulait pour « acheter la paix », que venons-nous de faire?

Je vous laisse deviner. 

Si vous tentez d’éteindre un comportement, mais que vous capitulez avant la fin, vous êtes, en fait, en train de renforcer une version exagérée de ce dont vous voulez vous débarrasser. 

La résistance à l’extinction

Comme si ce n’était pas assez,il existe un deuxième phénomène relié à l’extinction, c’est-à-dire la résistance. 

La résistance à l’extinction, c’est la capacité naturelle ou apprise de l’animal à continuer à produire le comportement malgré l’absence de renforcement. 

Pour reprendre mon exemple des enfants qui vont cogner chez leurs amis, selon le tempérament des enfants, certains vont essayer d’appeler deux fois, d’autres, plus gênés, vont cogner une seule fois et s’en aller en espérant ne pas avoir trop dérangé. Quant à moi, j’étais une enfant très énergique et intense, je cognais trois fois et très fort! 

Les chats, par exemple, sont excessivement résistants à l’extinction. Avez-vous déjà tenté d’ignorer un chat qui vous appelle pour jouer en pleine nuit ou qui décide que c’est l’heure de manger? Vous savez exactement de quoi je parle. Les chats sont naturellement programmés pour persister. 

Un chiot aussi est résistant à l’extinction. Il va pleurer s’il est en détresse et son instinct lui dicte de continuer à le faire longtemps. Un adulte finira par l’entendre et le secourir. C’est une question de survie. 

C’est pourquoi je conseille rarement à mes clients de laisser leur chiot pleurer afin d’éteindre ce comportement. Le chiot est tout simplement trop résistant à l’extinction et le stress des nouveaux adoptants qui ont peur que le chiot dérange leur voisin ou leurs enfants est trop haut. C’est une solution vouée à l’échec qui ne causera que des soucis à tout le monde. Généralement, le chiot deviendra moins résistant à l’extinction en grandissant. En évitant de tenter d’ignorer le chiot et en répondant immédiatement à vos besoins, non seulement vous lui montrez que vous êtes là pour lui, mais en plus vous éviter de renforcer une version exagérée des pleurs. Ce qui rendra l’extinction plus facile une fois que le chiot sera plus vieux. 

La résistance à l’extinction peut aussi être bâtie. Nous utilisons sciemment ce principe lorsque nous réduisons les renforcements en sport canin. Au début de l’apprentissage de la marche au pied, par exemple, le chien est renforcé à tous les pas. Puis à chaque deux pas. Puis trois pas. Puis de manière aléatoire. Pour finir par avoir une belle marche au pied enthousiaste pendant 5-10-15-20 minutes. Il s’agit d’un long processus où on rend le chien résistant à l’extinction du comportement de la marche au pied. On lui apprendre à continuer de produire le comportement malgré l’absence de récompenses. 

Mais en dehors des sports canins, que se passe-t-il lorsque vous tentez d’ignorer le chien qui vous mordille pour avoir votre attention et que vous finissez par réagir? Vous l’avez deviné, vous venez de lui enseigner à persister malgré l’absence de réaction. Vous lui avez montré, sans le voir, que s’il continue, il finira par obtenir ce qu’il voulait! 

C’est la même chose pour les autres comportements dérangeants que vous tentez d’éteindre. Lorsque vous tentez d’ignorer votre chien qui chigne, car c’est l’heure du souper et que vous finissez par vous lever, vous êtes aussi en train de bâtir de la résistance à l’extinction. Votre chien apprend que, plus il insiste et plus vous finirez pas lui donner ce qu’il veut. Bref, vous êtes en train de vous tirer dans le pied! 

Ignorer puis capituler – La pire chose à faire

Lorsqu’un de mes étudiants me dit qu’il a essayé d’ignorer son chien et que ça n’a pas fonctionné, tout de suite j’ai une lumière rouge qui clignote dans ma tête. Alerte. Alerte. Nous sommes sans doute en présence d’un animal qui a bâti une TONNE de résistance à l’extinction! 

Pourquoi donc, est-ce si dur d’ignorer son chien? Parce que vous luttez à la fois contre votre propre réaction émotionnelle face au comportement de demande d’attention, le sommet d’extinction de votre chien et la résistance à l’extinction que vous aurez bâti. 

Quand on bouille en dedans – la difficulté émotionnelle d’ignorer son chien

Si votre chien aboie pour avoir votre attention et que vous voulez qu’il cesse, car ça dérange vos voisins, que se passe-t-il quand vous allez l’ignorer? Il va redoubler d’ardeur et aboyer encore plus fort! Nous en avons déjà parlé, il s’agit du sommet d’extinction. Quel effet ceci aura-t-il sur vous? Vous serez encore plus stressé pour vos voisins! C’est normal. Et vous allez vouloir le faire cesser. Sauf que si vous donnez de l’attention à votre chien, il apprendra que s’il aboie fort, il aura ce qu’il veut. Vous vous retrouverez donc avec un chien qui non seulement jappe, mais jappe comme un perdu pendant une demi-heure.  

Pire encore, vous allez vous dire « Ok aujourd’hui, je l’ignore jusqu’au bout! ». Alors votre chien jappe et jappe jappe et jappe et jappe et jappe comme un débile. Vous bouillez à l’intérieur. Vos oreilles vous font mal et votre niveau de stress est dans le tapis. Puis vous flanchez. Vous lui criez de se la fermer! (Pas de jugement, ça nous est tous arrivé!) 

Le problème, c’est que si votre chien veut de l’attention, le chicaner n’était peut-être le type d’attention qu’il voulait… mais ça reste de l’attention pareil. 

En plus d’avoir merveilleusement bien entraîné votre chien à japper de plus en plus fort, vous l’avez entraîné à continuer et continuer et continuer malgré votre absence de réaction! 

Alors vous vous sentez coupable. Et la prochaine fois que vous tenterez d’ignorer votre chien, vous aurez encore plus de mal à le faire, car votre chien aboiera encore plus fort, vous aurez encore plus peur des réactions de vos voisins et vous aurez encore moins de patience. 

Le problème, c’est que votre chien est rendu un génie dans l’art à vous faire réagir. Il est devenu un expert dans l’examen de vos moindres réactions afin de savoir s’il est sur la bonne voie. Il sait comment « peser sur vos pitons ».

Il ne le fait pas parce qu’il a de mauvaises intentions. Il le fait, car ça fonctionne. 

Un peu comme vous sentez toutes les automobiles fébriles lorsque la lumière en sens inverse devient jaune. 

Sauf que, rendu à un certain point, tout devient une lumière jaune…